La fenêtre métabolique et la déshydratation

Ce week-end, j'ai participé à une formation FFA pour mon diplôme d'entraîneur hors stade de 3eme niveau (ancien degré 2), et une partie de la formation portait sur la nutrition. C'est un sujet qui me tient particulièrement à coeur et j'ai pas mal réagi au contenu des slides présentés, car je retrouvais des informations obsolètes, qui véhiculait des notions périmées.

Ce phénomène s'appelle une "just-so story" en anglais. On vous assène une vérité, une solution à un problème, et si vous demandez "pourquoi", on vous répond "c'est comme ca". Je ne jette pas la pierre aux formateurs, qui ne sont pas des nutritionistes, et qui utilisent des supports (datés) fournis par la FFA. Mais ça me dérange un peu que la fédé continue à nous apprendre des principes dépassés. Certains athlètes vont suivre à la lettre nos conseils de coachs, et même si ce sont en général des détails, il me paraît nécessaire de rester critique et à jour lorsque c'est possible. Ces idées reçues perdurent aussi car elles deviennent partie intégrante de la culture running et s'en retrouve renforcées ("si le coach et tous les athèltes le disent, c'est vrai")

Quelques exemples:

  • Si vous êtres désydratés de 1%, vous perdez 10% de vos capacités
  • On perd beaucoup de sels en transpirant, il est nécessaire de consommer des boissons avec des "éléctrolytes" pour compenser.
  • Il faut boire avant d'avoir soif.
  • Pour bien récupérer, il faut manger pendant l'heure qui suit l'effort (fenêtre métabolique)

Même en dehors de la nutrition, on retrouve des just-so stories dans le running. Par exemple, l'idée que l'attaque talon est associée à plus de blessures.

Ce problème dans le monde du sport n'est pas nouveau: une équipe de chercheurs va se pencher sur un problème donné, effectuer des expériences sur des groupes de sportifs, et parfois aboutir à une conclusion tranchée. Mais la recherche est plus complexe. Il est bien souvent nécessaire de valider les résultats d'une expérience par plusieurs autres, pour éviter les biais. Et certaines recherches sont subventionées par des industries qui ont des interêts financiers à obtenir certains résultats. L'exemple le plus flagrant est Gatorade, qui a commandité des recherches pour les boissons à l'effort, pour donner une légitimité scientifique à ses produits.

Au final, un seul papier de recherche peut être à la base d'une nouvelle pratique pour les sportifs, parce que la puissance d'un lobby ou d'une équipe marketing va l'emporter sur la science et se baser sur un travail aux conclusions prématurées et/ou biaisées.

L'hydratation

L'histoire des 1% ou 2% de déshydratation qui entrainerait des pertes de 10 à 20% des capacités est un grand classique. Cette "vérité" date de l'époque des recherches de l'institut financé par Gatorade, et le lobby de cet industriel était tellement puissant à l'époque que les fédérations américaines, puis européennes, ont adopté leurs conclusions pour construire leur conseils aux athlètes.

A les écouter, il faudrait boire des litres et des litres même lorsque l'on a pas soif. Mais depuis cette époque, des recherches plus pointues sur le sujet ont démontré la futilité, voir la dangerosité de ces conseils.

Tim Noakes, qui était l'un des plus ardent défenseurs de ce genre de règles, a complètement changé son fusil d'épaule et il est passé à l'autre extrême du spectre, en dénonçant les dangers de la sur-hydratation

Pour moi, le meilleur conseil reste de boire quand on a soif

Quand aux boissons isotoniques/electrolytes, les dernières recherches (Hoffman) ont démontrées que dans le cadre d'une alimentation normale, la consommation d'eau suffit et la perte de sodium sera compensée naturellement. Même pour un effort de 30 heures (!) les boissons avec ajout de sels n'apportent strictement rien de plus.

La fenêtre métabolique

Une recherche (Portman/Ivy) a démontré que l'absorption de protéines et de sucres pendant les 45mn qui suivait un effort intense permettait une meilleur récupération des réserves. Ces chercheurs ont même lancé leur barre de céréales (Endurox R4) et les autres fabricants ont suivi. Cette "vérité" s'est propagée à toute vitesse avant même que d'autres recherches étayent et renforcent ce principe.

"Manger juste après l'effort aide à récupérer plus vite, croyez-nous"

Mais de nouvelles recherches (Stuart Phillips) ont mis à mal ce principe d'urgence, en démontrant que l'absorption des mêmes aliments 6 heures après l'effort avait le même effet sur la récupération. La fenêtre métabolique existerait, mais durerait 6 heures. C'est-à-dire qu'un athlète qui mange correctement à chaque repas, en adéquation avec son activité, couvre ses besoins en protéines sans avoir à se jeter sur une powerbar. Quand au sucre, un complèment peut-être nécessaire pendant l'activité, mais les stocks de glycogènes ne seront pas "mieux" remplis si l'on mange des glucides juste après l'effort.

Mais cette histoire est vraiment trop belle pour les industriels, et cette notion de fenêtre est communément acceptée chez les sportifs car elle semble cohérente avec le ressenti.

Conclusion

La nutrition sportive représente un marché colossale de 2760 millions de dollars.

Si les industriels peuvent mettre dans vos bouches des nouveaux produits et s'ils le font en plus en se basant sur des conseils prodigués par la fédé, il est difficile de lutter et de savoir ce qui est vrai et ce qui est douteux.

Le meilleur conseil que je peux donner est de toujours remettre en cause les vérités qu'on vous assène sans preuves ("C'est comme ca"), de rester très critique même si l'information vient de quelqu'un de confiance, et de garder son bon sens.

J'adore manger une powerbar juste après le sport personnelement :)